Depuis 2006 et le livre éponyme de N. Taleb, le concept de cygne noir est devenu à la mode pour qualifier ces évènements imprévisibles et improbables – mais pas impossibles, là est la nuance – aux conséquences dramatiques. Du 11 septembre à Fukushima, le XXIe siècle débutant, semble celui de l’imprévisibilité et de la surprise. Le récent vote du Brexit, encore vu il y a quelques mois comme fortement improbable, vient nous rappeler que la surprise stratégique, même si on la croit éculée, reste une issue possible.
« Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité », nous rappelle Arthur Conan-Doyle dans Le signe des quatre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’on aborde la question de la surprise stratégique, la balance entre l’impossible et l’improbable. Tout l’art du risk manager d’entreprise – sans parler du chef militaire qui est un risk manager par essence – consiste ainsi à faire prendre conscience à ses décideurs des dangers potentiels qui les menacent dans le brouillard, sans que ceux-ci ne les balaient d’un revers de la main. L’expérience de Patrick Lagadec, spécialiste des crises et des risques, directeur de recherches à Polytechnique pendant trois décennies, relatée dans l’excellent Le continent des imprévus, fait parfois froid dans le dos. Elle montre la permanence des blocages et la surdité des dirigeants, même face à l’évidence.